HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE

HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE

GENDAMES DANS LA RÉSISTANCE

Lorsque Pierre Accoce publie son livre, il ne dispose que partiellement des archives de la gendarmerie. Et pourtant, depuis 2001, l’étude que l’auteur a entreprise sur la part prise par la gendarmerie dans la Résistance fait toujours référence et montre que la gendarmerie ni n’a été massivement complice des rafles et des déportations, ni n’a été un instrument zélé au service de l’Etat Vichyste, ni n’a pas été un relais docile de la politique de collaboration. Au contraire de nombreux soldats bleus ont rejoints très tôt la Résistance. Ils ont œuvré dans les réseaux existants, créé leurs propres antennes, combattu dans les maquis. Le quart de l’effectif a participé activement à la Résistance soit 12 000 gendarmes. Un pourcentage dont aucun autre corps de métier ne peut se prévaloir.

En guise de préambule

Sur les 12.000 gendarmes engagés dans la Résistance, 2.161 ont été arrêtés dont 1.141 ont été fusillés, ou morts en Allemagne, en prison ou en camp de concentration, ou tués au cours d’opérations de libération en France. Et 920 sont rentrés de déportation. La croix de la Libération a été décernée à 4, la médaille de la Résistance à 360, la Légion d’Honneur à 351, la médaille militaire à 1.060, la croix de guerre avec citations à 4852, la médaille des justes d’Israël à 7.

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Quarante jours ont suffi pour battre l’armée française en 1940 et faire 1.580.000 prisonniers. Le diktat d’Hitler à Rethondes va ruiner la France et la déshonorer lorsque seront refoulés en Allemagne les ressortissants allemands qui s’étaient réfugiés chez nous dont les Juifs. Le 28 Juin 1940, la République bat en retraite et l’Etat français s’installe, le 2 Juillet, à Vichy. En 1939, la gendarmerie compte 54.000 hommes dont 1.514 officiers. A fin Juin 1940, sur les 12.000 gendarmes mêlés aux autres mobilisés, 377 ont été tués et 5.000 faits prisonniers. La garde républicaine à Paris est passée sous le joug allemand. La garde mobile s’est fondue dans la population. La départementale s’est efforcée d’escorter les réfugiés civils. Bref l’institution est disloquée.

Serignan, fil conducteur de la Résistance de la gendarmerie

L’armistice signé, Hitler nomme le Général Otto Von Stülpnagel à la tête de la commission chargée de son application. Elle siège à Wiesbaden et a pour mission de mettre au pas cette France honnie. La faire danser longtemps le ventre creux. La direction générale de la gendarmerie mandate pour la représenter près du Général Huntziger, le Capitaine Sérignan.

Ce Saint Cyrien, ancien du SR, parlant couramment l’allemand, remarqué par sa hiérarchie pour ses qualités hors normes3, est chargé d’obtenir la reconnaissance de la départementale en zone occupée dans son statut antérieur et que cette dernière en zone libre reste sous l’autorité de la Défense. Il est également mandaté pour obtenir le rapatriement des 5 000 gendarmes qui sont prisonniers et faire en sorte que la Wehrmacht évacue les casernements de gendarmerie qu’elle occupe. Arrivé à Wiesbaden, Sérignan, s’appuyant sur des raisons d’ordre public, rédige une synthèse qui prône le retour de la gendarmerie en zone occupée dans ses garnisons du temps de paix et demande pour cette mission 20.000 hommes. Ceci est, finalement, acceptée par Von Stülpnagel sous réserve que son statut soit discuté avec l’administration militaire allemande. Quant à la garde mobile républicaine en zone occupée elle est dissoute et devient, en zone libre, la Garde forte de 6.000 hommes.

Le 19 Juillet, Sérignan s’installe à Paris pour discuter du statut de la Départementale en zone occupée. Les allemands veulent la mettre sous les ordres de la police mais Sérignan obtient du nouveau commandant militaire que, dans un premier temps, quelques milliers de gendarmes se réinstallent dans leurs départements d’origine sauf dans le Nord et dans l’Est en régime d’annexion déguisée. Ensuite, il obtient que, faute de pouvoir maintenir la Garde Mobile en zone occupée, il intègre 7.000 gardes dans la Départementale. Tout ceci fait, en septembre 1940, que la maréchaussée en zone occupée compte 14.600 hommes dont 375 officiers. Pour le retour des 5.000 gendarmes prisonniers, Sérignan obtient d’Otto Von Stülpnagel le retour de 1.000 mis en congé de captivité puis d’un autre millier et, enfin, en mai 1941, de 2.385. Tous les libérés entrent dans la Départementale en zone occupée. Au final, avec la création d’une gendarmerie auxiliaire de 1.000 hommes chargés de la surveillance des ouvrages publics, et le recrutement de 1.200 autres gardes au titre « d’anciens combattants l’effectif VISÉ de 20.000 passe à 23 000. Pour éviter que la gendarmerie passe de la Défense à la police en zone occupée, Sérignan obtient qu’elle soit rattachée à la Délégation générale de l’Etat français à Paris ce qui, de fait, permet à la Direction générale de la gendarmerie près de la Défense d’avoir sous son autorité la Départementale de zone occupée.

Sérignan a mené toutes ces négociations à Paris où il s’est installé comme chef de La section Gendarmerie en Territoire Occupée (SGTO). Au fur et mesure que la Départementale va s’implanter en zone occupée, la SGTO va se décentraliser pour défendre les brigades près des Kommandanturs afin que la Départementale puisse remplir ses missions classiques locales et, du fait des circonstances, des missions occultes relevant de multiples engagements personnels émanant tant de la hiérarchie que de simples gendarmes. Il n’est pas possible de décrire ici tous ces engagements. Pour cela il faut lire le livre. Par contre j’ai retenu quelques engagements qui montreront aux lecteurs de ce DIGEST l’étendue et la diversité des actions de Résistance ainsi que leur foisonnement au sein de la gendarmerie. Sitôt les brigades en place en zone occupée et avec des fiches de démobilisation timbrées à l’avance, par des services militaires de la zone libre qui sont complices, Sérignan et le SGTO va démobiliser des milliers de mobilisés échappés de l’encerclement de leurs unités par les allemands qui les réclament comme prisonniers de guerre ! Les allemands s’aperçoivent de la manœuvre, s’en plaignent et s’en irritent. En particulier, le colonel Helmut Knochen. Sérignan est contraint à la prudence d’autant qu’à la tête de la Délégation générale de l’Etat français à Paris qui a autorité sur la SGTO, Léon Noêl est remplacé par Fernand de Brinon, germanophile grand teint, reçu plusieurs fois par Hitler dès 1933 et surnommé, dans l’administration préfectorale, l’Anguille eu égard à sa souplesse d’échine.

Le réseau Saint Jacques de maurice Duclos et Jean Verines

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Maurice Duclos

A Londres, le général de Gaulle décide, dès Juillet 1940, la création d’un Service de Renseignements en France qui soit en mesure d’identifier les forces et les installations à la disposition des allemands. Pour cela, trois réseaux, dépendant du BCRA, sont créés.

Le premier, depuis Paris, couvrira le Nord et l’Ouest jusqu’à la Touraine. Son responsable en sera Maurice Duclos. Il deviendra le réseau Saint Jacques. Le deuxième, couvrant toutes les côtes du Cotentin à l’Espagne sera confié à Gilbert Renault alias Rémy. Le réseau s’appellera La confrérie Notre Dame (CND). Le dernier, en zone libre, sera confié à Pierre Fourgaud alias Barres deviendra le réseau Luras. Duclos va être le premier agent opérationnel en France. Il installe Saint Jacques à Paris et sa première recrue est le chef d’escadron de gendarmerie Jean Vérines grand mutilé de 14/18 et commandant d’un bataillon de la Garde, place de la République. Duclos le charge d’organiser, au sein de la Garde et de la gendarmerie : un maillage capable d’expertiser l’état des forces terrestres, aériennes et maritimes du 3ème Reich du Nord de la France à la Normandie. Des lieux de passage à travers la ligne de démarcation.

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Jean Vérines

Jean Vérines recrute dans son bataillon et au-delà. Ainsi du colonel Jean Baptiste Raby commandant de la 9ème région de gendarmerie de Tours, lui aussi vétéran de 14/18. Ainsi du colonel Emile Boillon, chef de la gendarmerie d’Amiens. En décembre, l’antenne Vérines couvre Paris, la Somme, l’Eure et la Touraine et l’antenne Nord, confiée par Duclos à Lucien Feltesse, un belge, couvre le Nord de la France et la Belgique. Ce sont, en tout, 300 agents qui arrivent à déterminer dans l’armement, l’état des voies routières, ferrées et fluviales, la description des aérodromes qui ont été crées avec desSTOCKS considérables d’essence et de munitions et qui sont protégés par une puissante DCA.

Toutes ces forces sont rassemblées pour la bataille d’Angleterre commencée le 12août 1940. L’assaut va se prolonger pendant quatre semaines puis, le 7 septembre, se déplacer, de la mer et des côtes, sur Londres. 375 bombardiers vont alors pilonner le Londres industriel et populaire, les docks et la centrale électrique de Westham. Le soir même, les bombardiers repartent, armés de bombes incendiaires au phosphore. Et ce, chaque soir jusqu’à la fin septembre 1940. Puis, chaque nuit en Octobre. Au dire d’experts, ce fut Guernica puissance 300. Mais, les britannique tiennent bons. La DCA et la RAF résistent. La Luftwaffe perd 2 375 avions, la RAF, 945. Parmi les civils anglais, on compte 14.621 morts et 20.252 blessés. Le bilan est lourd mais le premier round est gagné par les anglais et Hitler reporte le débarquement. Saint Jacques a d’ailleurs acquis la certitude que la Wehrmacht n’a pas le matériel adapté à un débarquement. Par contre la Kriegsmarine est sérieusement outillée pour une guerre océanique et Hitler décide de continuer à terroriser les anglais par la Luftwaffe et d’affamer avec les U.Boots. Saint Jacques cartographie des lieux de parachutages/atterrissages, organise le passage de la ligne de démarcation pour le courrier, les agents et les aviateurs alliés rescapés. Duclos retourne à Londres, obtient des moyens radios et revient en France avec un radio, Jean Mulemann, qui, retourné par l’Abwehr, va provoquer des désastres en cascade dans le réseau Saint Jacques. En attendant Saint Jacques, poursuit sa recherche de renseignements et est en mesure de décrire pour la Navy, l’importante concentration de sous-marins au Havre.

En parallèle l’Abwehr progresse dans la connaissance de ce réseau et, le 20 juin 1941, la SIPO arrête le Capitaine de gendarmerie Albert Morel et le gendarme Amédée Devineau au moment où ils franchissent la ligne de démarcation. Ils ont sur eux un abondant courrier notamment les plans de la base sous marine de Saint Nazaire. La SIPO attendait les deux agents. Ils avaient donc été donnés. Par Mulemann ? Sans doute.

La SIPO, dans la foulée, intervient à Paris, rate Duclos, mais la torture sans doute aidant, va arrêter le Colonel Raby, le Lieutenant Ernest Laurent et plusieurs de leurs hommes à la 9ème légion de gendarmerie (Tours), le Colonel Boillin, l’Adjudant chef Legrand et plusieurs de leurs hommes (Amiens), le Capitaine Le Flem et plusieurs de ses hommes (Pont l’Évêque).  C’est ainsi que la SIPO arrive à Vérines qui est arrêté le 22 octobre 1941 avec plusieurs gardes. Le docteur Werner Best, qui supervise les liens de la SIPO avec la police française, remarque le nombre élevé de gendarmes arrêtés, mais aussi celui de ceux ayant échappé à la traque. Son chef Helmut Knochen fulmine, convoque Sérignan à l’hôtel Scribe où ce dernier subit injures et menaces VISANT l’ensemble des gendarmes  Des ennemis du Reich.

Sérignan encaisse. Il connaît la plupart des officiers incarcérés, apprécie leur trempe, la valeur de leurs engagements, partagés le plus souvent par leurs hommes. Il sait que d’autres suivront et qu’il va falloir ajouter au rôle officiel qui est le sien, une fonction délicate près de l’occupant, défendre des compagnons que la détresse guettera.

Le réseau Vérité française du capitaine Descamps

Et ils seront nombreux. Tel le capitaine Henri Clotaire Descamps, basé à Soissons, à la tête de la section locale de gendarmerie antenne du mouvement du Musée de l’homme. Descamps aide le passage en zone libre de quelques prisonniers de guerre évadés, rencontre Daniel Douay et devient, avec lui et seize autres agents dont des gendarmes, un relais du Musée de l’Homme appelé Vérité Française. Descamps collecte avec méthode des renseignements sur les unités ennemies, diffuse la presse clandestine, crée des caches pour STOCKER les armes. Mais à Paris, Vilde est trompé par un nouveau venu, Albert Gaveau, homme à tout faire ayant le Capitaine Doering de la SIPO comme officier traitant. Gaveau se rend utile à tout le monde et ne tarde pas à connaître l’organigramme de l’organisation secrète de Vilde. La SIPO passe à l’action le 12 février 1941 et arrête Lewitsky, plusieurs avocats faisant partie du réseau du Musée de l’Homme dont Léon Maurice Nordmann et René Georges Etienne. Elle rate de peu le professeur Paul Rivet qui alerte Vilde.

Celui-ci est cependant arrêté le 26 mars. La tornade se répand en province avec l’aide de Jacques Desoubries qui, dans le sillage d’un agent de liaison, arrive à Soissons chez Douay/Descamps. Le 25 novembre 1941 la SIPO entre en action, arrête le Colonel de la Rochères qui avait adressé Desoubries à Douay/Descamps, encercle la caserne de gendarmerie de Soissons, roue de coups le Capitaine Descamps, l’arrête avec plusieurs de ses hommes et transfère les prisonniers à Fresnes. Descamps va subir douze interrogatoires musclés. Sans arrêt il est interrogé sur le Musée de l’Homme mais ne parle pas. Il est mis au secret. Un effrayant calvaire l’attend. Sérignan, pour la défense des gendarmes arrêtés, commence par noyer les instances judiciaires occupantes de procédures dilatoires VISANT à éviter leur comparution devant les tribunaux militaires du Reich. S’il échoue il essaye de minimiser les chefs d’inculpation et fait intervenir un groupe de spécialistes qu’il a constitué. Tous, comme lui, connaissent parfaitement la langue allemande tel Maître Heanning, juriste rigoureux. Lorsque des peines sont prononcées, Sérignan et ses avocats établissent des recours en grâce. Ainsi Sérignan et son service se porteront au secours de plus de 500 gendarmes.

Les gendarme Garin, descamps et Charlot, victimes de la barbarie

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Edouard Charlot

Le premier gendarme condamné à mort fut Maxime Garin de la 2ème légion de Picardie. Membre du réseau « Saint Jacques », il est passé par les armes fin décembre 1941 malgré une intervention de Sérignan près d’Otto Von Stülpnagel encore en fonction. Vains sont aussi les efforts de Sérignan pour le capitaine Descamps. Ce dernier, après avoir été très sévèrement torturé, reste au secret à Fresnes pendant 5 mois. Son procès commence le 15 mai 1942. Il sera long. Défendu par Heanning, Descamps est, néanmoins, condamné à mort. Sérignan dépose, alors, un recours en grâce et intercède directement auprès du nouveau chef des troupes d’occupation, le général Karl Heinrich Von Stülpnagel. Sérignan croit avoir gagné lorsque, en septembre 1942, on lui annonce que la peine de Descamps est commuée en 20 ans de forteresse en Allemagne. Mais c’est sans compter sur la duplicité de Von Stülpnagel qui, dès le 22 août 1942 a ratifié l’exécution par décapitation à la hachedu condamné. Descamps, le 14 septembre 1942, part en Allemagne. Il passe de prison en prison jusqu’à celle de Brandebourg (près de Postdam) où, le 23 septembre 1942, à 5h21 du matin, il est exécuté. Le 14 août 1942, c’est au tour d’un autre gendarme, Edouard Charlot  d’être condamné à mort.

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25/08/2014
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