HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE

HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE

LA TRAGÉDIE DE GABAUDET: 8 JUIN 1944

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Affiche de propagande du maréchal Pétain en début d'occupation

Avec un gouvernement à Vichy qui lui est tout dévoué, Hitler et sa puissante armée vole de victoires en succès. La France ne lui pose apparemment plus de problème, s'étant retirée du conflit avec la signature de l'armistice par le Maréchal Pétain.  

La zone dite libre est mise à profit par les premiers éléments de résistance, encouragés par l'appel du Général de Gaulle, depuis Londres, le 18 juin 1940. La résistance à l’envahisseur sur le territoire va germer et s’accroître, alimentée en cela par l’oppression, les pénuries, les vexations. Avec l'appui et la protection des populations, elle va pouvoir s'organiser et se préparer à jouer un rôle prépondérant dans la victoire finale avec les alliés.  

La Résistance Française doit cependant se structurer en matériel, en hommes et en armement. Ces maquis composés d'hommes refusant le travail obligatoire, déterminés à ne pas se soumettre aux ordres de Vichy, mais peu ou mal entraînés, peu armés, rassemblés en petits groupes mal encadrés, recevant des instructions parfois contradictoires ou imprécises, une coordination encore mal établie, sans cesse recherchés par la Milice  et la Gestapo, maquisards la nuit, se cachant le jour, obtiennent des résultats, grâce  à la collaboration étroite et inconditionnelle d’une bonne partie de la population.  

C'est ainsi que la résistance vit, ces premières années d'occupation, dans la clandestinité, opérant embuscades, coups de main, destruction de ponts, routes, voies ferrées, opération de harcèlement déstabilisant la quiétude de l'occupant et rendant tous ces placements bien plus difficiles et incertains. Si leurs actions ont certes des effetspositifs, un certain manque de rigueur et d'organisation leur valent malheureusement de lourdes pertes et de regrettables représailles parmi la population civile.

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Le régime du Maréchal Pétain n’a plus beaucoup de crédit dans le Lot et la rupture avec le régime de Vichy est consommée depuis longtemps. La présence de la Résistance dans le département implique une certaine complicité avec la population, ce qui a accentué depuis 1943, ce détachement à Vichy. Si la Résistance active y est minoritaire, l’aspect quantitatif n’est pas forcément déterminant : les maquis ne peuvent exister et survivre que s’ils bénéficient de complicités et de solidarités au quotidien. Placés directement à leur contact, les paysans indiquent des caches, gardent le silence lors des enquêtes de gendarmerie ou devant les G.M.R., assistent en observateurs complices à leurs implantations, et même, pour certains d’entre eux, aident à leur ravitaillement. 

Le département du Lot a été un de ceux, dans le Sud-Ouest, qui a payé la plus lourde tribu de l’occupation ; les épisodes dramatiques des années 43 et 44 en témoignent. C’est aussi ce département qui a fourni le plus grand nombre de résistants, par rapport à sa population. Le bilan fût très lourd : plus de 500 victimes dont une centaine trouve la mort au combat ; 447 déportés hommes et femmes, dont 198 ne reviendront pas.

Le 8 juin 1944, la ferme de Gabaudet et le petit village de Donnadieu sont parmi tant d'autres lieux en France, le théâtre de la barbarie nazie, où résistance et population civile payèrent une lourde tribu. La ferme de Gabaudet est mise à feu et à sang par la division Das Reich  conduite par le Général Lammerding. Située au carrefour de trois chemins (Gramat, Issendolus, Reillhac), celle-ci ne sera jamais reconstruite. Un monument du souvenir y a été érigé. Quant au hameau de Donnadieu situé à 800 mètres de la ferme, en direction de Gramat, il fut, quant à lui, reconstruit après la guerre. 

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La ferme de Gabaudet avant le drame (Photo figurant sur le panneau d'informations)

Cette ferme, établie sur 250 hectares, est une des plus importantes de cette région tranquille du causse. Elle est située à la limite des trois communes de Gramat, Issendolus et Reillhac et distante de chacune d’elles de 5 kilomètres environ. Les bâtiments qui la composent sont à la dimension de l’exploitation : grange destinée aux bovins, moutons et chevaux, le dessus étant accessible par une large terrasse protégeant une citerne, sert à engranger paille, foin et fourrage pour l’année. La maison des métayers est indépendante et relativement confortable pour l’époque. Dans un parc clôturé, cachée par quelques grands arbres, se trouve la maison de maître. D’autres dépendances complètent la ferme : étable, porcherie, fournil, poulailler et divers abris pour le matériel. 

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Le site de Gabaudet aujourd'hui. En jaune, les bâtiments existants au 8 juin 1944. (D'après le plan figurant sur le panneau d'information.

La famille Joutet l’exploite comme métayers depuis 1920. Jean-Pierre Joutet décédé le 7 avril 1944, son épouse Philomène, 56 ans, assure la continuité de l’exploitation avec l’aide de ses enfants et d’un ouvrier agricole. Philomène a 8 enfants : 5 filles et 3 garçons. Marthe, l’ainée a 33 ans et est marié avec Antoine Joyeux de Reillhac, village tout proche. Les autres sont célibataires : Louis, 32 ans ; André, 30 ans ; Antonin, 26 ans ; Yvonne, 22 ans ; Paulette, 21 ans ; Hélène, 19 ans et Denise, 17 ans. 

Ce 8 juin, Philomène, Louis, Yvonne et Denise sont présents à la ferme, en compagnie de Guy, fils d’Yvonne qui a 2 ans, de l’ouvrier agricole Jean Labarière et d’un couple de cousins venus de Toulouse leur rendre visite, Émile et Maria Lacan. Paulette et Hélène sont à Gramat. Quant à André, il est parti pour l’après-midi et Antonin, agent SNCF, est allé à la gare de Gramat afin de consulter les horaires des prochains trains. 

Malgré la présence d’une centaine de maquisards installés dans la ferme depuis une quinzaine de jours, le travail des champs bat son plein en ce mois de juin ensoleillé, saison où les travaux y sont importants. 

Depuis fin mai environ, de plus en plus de maquisards se présentaient à la ferme, instituée en camp par les F.T.P. du Lot. Gabaudet était aussi un lieu de rassemblement de tous les jeunes gens de la région qui passait au maquis. C’est là qu’ils y étaient recensés. Le choix de ce lieu a été déterminé par son isolement, loin de toute voie importante de communication, d’accès difficile par les chemins, dans un secteur qualifié de calme. Un endroit parfait pour s’organiser et préparer une offensive. 

En effet, les allemands sont partout, omniprésents, et traquent sans relâche les maquisards, l’oppression ennemie devenant de plus en plus pesante. Quant à la police Vichyssoise soumise à l’occupant, elle fouine, traque, recherche. Sans parler de la Gestapo. De plus, la proximité annoncée du jour J, rend chacun très fébrile. 

La ferme, de par sa capacité, se prête à l’accueil de tous ces hommes : granges pour le repos, dépendances pour le stockage des vivres et du matériel sensible. Le chef de détachement, ainsi que quelques uns de ses adjoints, utilisent quelques pièces de la maison de maitre. A côté du four, une cuve à vin, est installée afin de pourvoir au moral des hommes.

En juin 44, l’ensemble des forces de la Résistance regroupe près de 3.000 hommes, appartenant en majorité aux F.T.P., puis aux Groupes Vény, enfin à l’O.R.A. et à quelques maquis M.U.R. A.S. qui s’étaient reconstitués dans la région de Figeac en mars 44. 

Dès l’annonce du débarquement allié en Normandie, et simultanément aux appels lancés par Vichy et le Général de Gaulle, les fonctionnaires de gendarmerie se mettent en rapport avec la résistance locale, se rallient à elle, amenant leurs armes : révolvers, fusils, MAS 36 et quelques armes  automatiques. Dès le 7 juin, plus de 200 hommes, dont beaucoup de gendarmes, mais également des civils, convergent de tous les coins du département et même de l’Aveyron, vers Gabaudet, venant ainsi se joindre au groupe déjà en place. Ces arrivées massives qui se succèdent renforcent considérablement les moyens en homme, mais dépassent les prévisions et prennent ainsi de court les responsables chargés de coordonner. 

Au fur et à mesure que l’effectif augmente, arrivent aussi des véhicules : jeep, side-cars, motos, véhicules militaires. C’est le 7 juin et le matin du 8 qu’hommes et véhicules arrivent massivement. Les gendarmes sont les plus nombreux. Le parc de véhicules s’est enrichi de voitures particulières dont quelques tractions ; les hommes sont entre 300 et 400. 

L’organisation de ce camp de fortune, n’est pas encore bien établie : hommes et véhicules vont et viennent, et sur ces chemins de campagne non goudronnés, soulèvent des nuages de poussière, visibles de loin. 

Gabaudet, rattaché au poste de commandement F.T.P. cantonné à  Escazal, à la ferme Lafon, près d’Espédaillac, est placé sous la protection des maquis (France) et (Gabriel Péri). Malheureusement, cette protection se trouva réduite les 7 et 8, une partie de l’effectif étant envoyé en renfort vers Bretenoux où une compagnie de l’Armée secrète de Corrèze se trouvait en difficulté lors de l’attaque d’une autre colonne allemande remontant vers la Normandie. 

Le commandement essaye d’organiser : on alterne pour cela, réunions et conférences. Cependant, une telle concentration d’hommes et de véhicules ne peut passer inaperçue, surtout en cette période. La surveillance du camp, tant éloignée que rapprochée est surement négligée ; le pays tout entier étant en effervescence depuis la réussite du débarquement allié. Les gendarmes, quant à eux, essayent d’inculquer aux jeunes maquisards, les rudiments nécessaires au maniement des armes, ainsi que quelque instruction au tir. Des groupes sont néanmoins constitués, des effets militaires distribués, mais il n’y avait pas assez d’armes pour tout le monde. 

Vers 17 heures, un Piper noir, venu de l’ouest, vint tourner à deux reprises au dessus de Donnadieu et de la ferme, puis continua son vol vers Issendolus. 

Dans la journée une colonne allemande de la division Das Reich, arrivant de Montauban, via Figeac, où elle était stationnée depuis la veille, s’ébranla vers Saint-Céré et en début d’après-midi, un détachement, pris, depuis Le Bourg, la direction de Gabaudet, via Issendolus. Après un arrêt à Issendolus, la colonne reprend sa route ; cent mètres plus loin Antoine Gauthier, 83 ans, cherchait des nids de poules dans une haie ; l’apercevant, les soldats allemands tirent trois coups de mitraillette dans sa direction ; le malheureux tombe : il sera la première victime de ce massacre. Quelques minutes avant, les allemands venaient de dévaliser l’hôtel propriété de sa belle-fille. 

Louis Joutet, son cousin Emile Lacan et l’ouvrier agricole Jean Labarière, sont entrain de faner dans le Grand pré  non loin de la ferme, quand tout à coup, vers 18 h 30, leur attention est attirée par de puissants bruits de moteur. Non loin, apparaît une jeep allemande, dont les occupants ouvrent le feu. Ils détalent aussitôt, leur connaissance du terrain leur permettant de s’enfuir et de se mettre à l’abri dans les sous-bois, avant de pouvoir regagner le petit village de Scelles, où ils furent recueillis par une famille. 

Ce détachement appartenant au S.S Panzer Régiment II de la division Das Reich, arrivait de Figeac, probablement bien renseigné et guidé par l’avion mouchard. Il se scinde en trois, à 800 mètres de la ferme, lui permettant ainsi de l’encercler : ainsi, chars et voitures blindée convergent vers celle-ci  au même moment et sur les trois chemins qui la desservent.

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Carte de marche de la division SS Das Reich

Partie de Montauban, forte de 150.000 hommes, la division Das Reich a reçu l’ordre, en cas de débarquement, de se diriger vers le front de Normandie où elle était attendue en renfort, tout en anéantissant, sur son passage toute velléité de résistance. Pour atteindre ses objectifs, la division s’était scindée en plusieurs colonnes, dont celle-ci qui devait emprunter l’axe Montauban-Tulle, via Figeac. Elle devait donc progresser vers Tulle, via Figeac, Le Bourg, Lacapelle-Marival, Aynac, Saint-Céré où était prévu un regroupement.

Cet itinéraire ne devait pas menacer la région de Gramat, si toutefois, un adjudant de gendarmerie collaborationniste qui rentrait en permission sur Gramat, n’avait prévenu les responsables allemands de ce rassemblement à Gabaudet. Le repérage de l’avion mouchard  fit surement le reste. 

Ce gendarme, adjudant chef à la gendarmerie de Gramat avait renseigné exactement les allemands sur la position de la ferme et sur son rôle du moment. A la suite de plusieurs affaires de collaboration et malgré l’intervention de ses amis, il fut muté à Castelsarrasin, mais sa femme (dont deux de ses frères étaient officiers dans l’armée allemande) et ses deux enfants sont restés à Gramat. Il fut arrêté fortuitement le 8 au soir par le maquis de l’Alzou (O.R.A.) avec toute sa famille, ceci bien avant l’intervention ennemie à Gabaudet.

La surprise est totale : les rafales crépitent, les ballent sifflent et s’écrasent contre les murs ; une véritable  panique s’empare des occupants du camp. C’est la débandade : certains courent sous le couvert des bâtiments, d’autres rampent vers les buissons du causse ; quant aux responsables ils essayent de sauver les documents. 

Les allemands sont venus en formation puissante ; le détachement fort de trois chars et de seize chenillettes déclenche un feu nourri de mitrailleuses et de mortiers. Après un mitraillage sans merci, les chars entrent dans la cour, suivis des fantassins qui fouillent systématiquement granges, étables, habitations, mitraillent à bout portant ceux qui tentent de sortir. Les chars, les mitrailleuses tirent sans arrêt dans un encerclement brutal et total, les soldats allemands, arme à la hanche, complétant ce barrage de feu. Des bêtes et des hommes sont tués ou blessés ; le déluge de feu se poursuit sous les cris des uns, les râles atroces et les gémissements des autres. Dans la cour, quelques gendarmes résistent, mais leur geste reste dérisoire face aux armes automatiques, aux grenades, et ils sont mitraillés à bout portant. D’autres Waffen-S.S. achèvent lentement à la baïonnette des maquisards blessés. Puis les tirs de canon viennent détruire les bâtiments : l’incendie provoqué par les obus incendiaires ravage la ferme au milieu des ordres, des cris, des crépitements, du cliquetis des armes et des chenillettes.

Vers 22 heures, les chars se retirent ; seules les plaintes désespérées d’hommes et d’animaux troublent encore le crépitement des flammes. 

Eloi Rossignol, de Reillhac, est très attaché à la famille Joutet. Dès les premiers coups de feu, il se précipite dans la maison, se saisit de l’enfant et engage les quatre femmes (Philomène, Maria, Yvonne et Denise) à le suivre. Connaissant très bien le terrain, il possède déjà son plan pour la fuite. Traversant la cour, il longe les étables et le fournil, puis plonge dans le Champ de la Font en utilisant haies et murets pour se cacher et se diriger vers les sous-bois en direction de Reillhac afin de s’y cacher. Cependant les chars allemands se rapprochent d’eux et ils se cachent derrière un mur suffisamment haut, tout en gardant la main sur la bouche de l’enfant pour l’empêcher de crier. A ce moment, Denise se rend compte que sa mère et sa cousine n’ont pas suivi ; Eloi tente bien de l’en empêcher, mais Denise repart en courant au milieu du champ de blé, revenant vers la ferme à la rencontre de Philomène et de Maria. Quand les S.S. l’aperçoivent, ils la mitraillent sans hésitation.

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Philomène et Maria sont restées prostrées contre un mur de la ferme durant toute la tragédie. A la fin des combats, elles furent chargées debout sur un camion débâché avec les 71 autres résistants faits prisonniers, dont plusieurs finiront en déportation. Certains furent même attachés à l’avant des chars comme otages, afin de décourager les éventuelles attaques des maquis. Le convoi s’ébranle vers Gramat, laissant Gabaudet et Donnadieu à la proie des flammes. Le détachement allemand arrivera à Saint-Céré vers 23 heures, avant de partir pour Tulle le lendemain. 

A Tulle, c’est l’heure des pendaisons ordonnées par les Allemands suite à la tentative de libération de la ville par les F.T.P. J.-J. Chapou, Capitaine Philippe dans le Lot, est maintenant chef régional des F.T.P. de Corrèze, sous le nom de Kléber. Avec ses maquisards il décide d'attaquer le 7 juin à l’aube la garnison de Tulle, dont on avait peut-être sous évalué l’effectif. L’objectif était de prendre et de garder la ville. Les premières heures furent pour tous ces maquisards descendus des collines au-dessus de la ville, une terrible leçon de guérilla urbaine alors qu’allemands et miliciens bien mieux armés étaient à l’abri des bâtiments. En fin de matinée, après négociations, la garnison de Gardes Mobiles et de la Milice, retranchée dans la caserne du Champ-de-Mars, quittait la ville avec l'accord des partisans et prenaient la direction de Limoges, drapeau blanc aux camions.

Une sortie des allemands s’effectua dans le bas de la ville en face de la gare : 18 gardes-voies sont assassinés à bout portant.  Si dans l’après-midi les maquisards occupaient presque toute la ville les allemands tenaient encore l'École Normale au nord, la Manufacture d'armes et l'école de Souillac au sud. Les combats reprennent le 8 au matin, particulièrement contre les assiégés de l'École normale de filles. Vers 16 heures, des groupes de soldats tentent une sortie. Plus de cinquante hommes tombent sous les tirs des F.T.P. et soixante autres se rendent, dont dix sont exécutés, comme membres de la Gestapo, coupables de tortures et d’exactions. Ces exécutions furent jugées responsables des représailles qui d’ensuivirent. Il y eut 139 allemands tués par les F.T.P. Ceux-ci  établissent leur quartier général dans la caserne du Champ-de-Mars et le drapeau tricolore flotte sur la ville : durant plus d’une demi-journée la ville est libérée.

Le 8 juin au soir, un groupe de reconnaissance de la division S.S. du major Heinrich Wulf arrive sur Tulle ayant reçu instruction de régler le problème. Les F.T.P., en accord avec les ordres généraux qui étaient d’éviter une bataille rangée avec des forces lourdement armées, se retirent, sans que les S.S., qui occupent maintenant la ville, ne cherchent pas à les poursuivre. 

Le lendemain, dès six heures, les troupes allemandes raflent les hommes valides  (entre 16 et 60 ans) et perquisitionnent les habitations à la recherche d'armes et de matériel de guerre. Environ 3.000 hommes de tous âges, sont ainsi rassemblés dans la Manufacture d'armes. Les procédures policières habituelles (contrôle des documents d'identité, interrogatoire de chaque individu) furent mises en œuvre dans une certaine précipitation par Walter Schmald du S.D. de Tulle, en présence du maire, le Colonel Bounty selon la clause n° 10 du traité d'Armistice. Elles résultèrent en la désignation arbitraire de 120 suspects aux yeux des Allemands de participation à la Résistance. Ces 120 hommes devaient être pendus. Tous les prisonniers, y compris ceux encore détenus dans la Manufacture furent amenés afin d’assister aux exécutions.

Finalement, la procédure de pendaison aux balcons et réverbères du centre ville s'arrêta à 19 heures, au chiffre de 99. Les victimes, tous des hommes, avaient de 17 à 42 ans.

Des prisonniers encore maintenus en détention, les Allemands effectuèrent un second tri, assistés de Miliciens, qui en retint 149 destinés à la déportation au titre de complicité avec les francs-tireurs. Seuls 48 en reviendront vivants. 

D’autres prisonniers furent à leur grande surprise relâchées après d’âpres discussions avec les autorités Allemandes. Philomène Joutet et Maria Lacan furent ainsi libérés et ont pu regagner Gramat à pied, où elles arrivèrent le 14. Le 10 juin au matin, Otto Dickmann commandant du 1er bataillon, choisissait la 3e compagnie commandée par Heinz Barth pour l'expédition qui venait d'être autorisée contre Oradour-sur-Glane où les hommes  de la division Das Reich massacreront la population et détruiront le village (642 victimes dont 247 enfants, furent fusillés ou brûlés vifs).

Louis, Jean et Émile devront attendre tout en guettant, angoissés, en direction de Gabaudet, seulement distant de quatre kilomètres. Vers onze heures ou minuit, le calme semble revenu. Avant le lever du jour, sans avoir dormis, ils partent vers la ferme à travers bois.

Arrivés à proximité, ils commencent à rencontrer des bêtes en liberté ; un soldat allemand avait libéré le bétail avant d’incendier les bâtiments. 

Avançant encore au hasard, ils découvrent à la lumière de la pâleur du jour qui se lève, la cour de la ferme : des ruines encore fumantes, des corps humains et d’animaux à demi-calcinés gisent sur le sol, laissant dégager une odeur acre et insoutenable. Dépassant les ruines, enjambant des morts, et encore des morts, arrivés au milieu du champ de la Font, ils découvrent le corps de Denise, 17 ans, criblé de balles, face contre terre. 

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Le puits toujours existant : il était le point d'eau potable de la ferme. Contre la margelle de celui-ci, un corps mutilé devait-être découvert.

En cette fin d’après midi, Antonin Joutet rentre en vélo, depuis la gare de Gramat où il était allé se renseigner sur les horaires des trains, car, employé à la SNCF, il devait rejoindre Capdenac-Gare, le lendemain matin, et le trafic ferroviaire était très irrégulier et même parfois inexistant.

S’arrêtant pour bavarder avec Emmanuel Alvez, qui allait couper du bois près de Donnadieu, ils furent surpris par l’arrivée de jeeps qui débouchaient d’un chemin de terre. Le temps de réaliser que ces véhicules étaient allemands, les soldats les fouillent pour vérifier s’ils n’avaient pas d’arme et les font monter dans leurs véhicules, sans ménagement, à coups de crosse. 

Mais après une rencontre inopinée, à hauteur du Calvaire, avec un side-car de Résistants qui rentrait de Bedes, une fusillade éclate ; les deux résistants réussissent tant bien que mal à s’enfuir, Emmanuel Alvez également, profitant de la confusion. La colère des allemands est grande, furieux de leur échec, ayant laissés s’enfuir trois résistants ; arrivant au Calvaire, ils crient, tirent à bout portant sur Antonin avant de poursuivre leur chemin vers Gabaudet.

A Donnadieu, tout le hameau n’est que ruines et brasiers, à l’exception de deux granges. Trois familles y vivaient. La plupart du cheptel a péri dans les bâtiments fermés. Jacques Thamié, 60 ans, qui n’avait pas voulu s’enfuir à l’approche de la colonne allemande, est retrouvé mort contre le mur de la grange. Malgré la défense qui lui en était faite, il voulait absolument libérer les animaux avant l’incendie de sa grange.

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La stèle inaugurée en 1945. On voit encore les ruines de la ferme. (Photo figurant sur le panneau d'informations)

Dès les premières lueurs du matin, beaucoup d’hommes et de femmes prennent le chemin de Gabaudet : durant toute la nuit, ils avaient pu apercevoir l’impressionnante lueur des incendies qui ravageaient Gabaudet et Donnadieu. Vision d’apocalypse : poutres calcinées, charpentes effondrées, les murs fument encore. Plus loin des corps, encore des corps. Quelques poules se promènent et picorent les entrailles. Des cadavres broyés, déchiquetés, écrasés par les chenillettes des panzers. Un groupe de résistants, sous l’impulsion de leur chef Raymond Lacam, se joint à eux pour rassembler les 35 corps mutilés, carbonisés, à l’ombre d’un grand marronnier. Une odeur pestilentielle se dégageait encore de ces ruines fumantes. L’inhumation d’Antonin et de Denise eut lieu le dimanche 11, au cimetière de Lunegarde, village d’où la famille Joutet était originaire. 

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Stèle commémorative

Liste des victimes à Gabaudet et Donnadieu :

Volontaires FFI Baillot René, Beaumont Pierre, Bordes Marcel, Contesenne Roger, Couhot Claude, Cremoux Jean, Darnis Pierre, Depré Jean, Descole Jean-Henri, Dupui Bernard, Forestier Fernand, Galarzac, Joliton Martial, Lafon Jean-Pierre, Lascombes Roger, Maury Jean-Louis, Pack, Pierret Raymond, Plantié Lucien, Teisseyre René, Thamié Claude, Vernaujou Roland, 3 inconnus et des disparus.

Civils Joutet Denise, Joutet Antonin, Thamié Jacques, Gauthier Antoine.



23/08/2014
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