HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE

HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE

DES TONDUES ET COLLABORATEURS

Des milliers de tondues

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Cette femme est tondue pour avoir collaboré ou habité avec un soldat allemand

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La tonte de cette femme en 1944

Plus les recherches avancent plus les bouches s'ouvrent, plus les crampes mémorielles se dénouent, avec le temps, et mieux nous savons l'ampleur du phénomène des tontes à la Libération: des milliers de femmes, des dizaines de milliers peut-être, sont passées à la coupe zéro, au coin des rues des grandes villes comme sur les places des bourgades, dans les régions qui avaient fortement souffert de l'occupation allemande comme dans celles qui avaient été relativement épargnées, là où le maquis délogea la Wehrmacht au prix de durs combats comme là où la Libération intervint sans combats, des confins pyrénéens à ces marches de l'Est que l'on a longtemps cru, à tort, préservées, de par leur spécificité culturelle.

Le déroulement de la tonte

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Très variable, également, le déroulement même de la cérémonie, où se donne libre cours une troublante imagination populaire: à demi dévêtue, parfois nue, le front, les joues (les seins) couverts de croix gammées peintes au goudron, une pancarte autour du cou, hissée sur une estrade où elle subit une parodie de jugement, plongée dans une fontaine, affligée d'un bonnet d'âne ou d'un collier de chien, exposée, photographiée, astreinte à une conduite de Grenoble en tous les points stratégiques de la localité, parfois battue, voire lynchée, toujours cruellement moquée, la tondue fait l'objet d'un rite de dégradation, de ridiculisation aux variantes infinies.

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Partout, les tontes se présentent comme une fête sauvage une cérémonie, un carnaval ou un charivari destinés à canaliser et purger  les passions populaires, à conjurer le spectre de la guerre civile franco-française et à hâter  le rétablissement de l’ordre légitime. Aussi  trouve-t-on dans la plupart des cas des éléments de scénographie qui les situent au carrefour des fêtes populaires et des grandes scènes de persécution d’antan : cortèges bruyants traversant ville ou village, travestissement de la tondue dont le front s’orne de croix gammées, inscriptions vengeresses inscrites au goudron ou à la peinture sur différentes parties du corps des pécheresses (a fait fusiller son mari, a couché avec les Boches, collabo), exécution de la sentence sur une estrade située devant un bâtiment public. Mélange inextricable de rires et de violence.

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Les dérapages sont légions et cette épuration sauvage sert souvent d'alibi à des règlements de compte personnels. Des femmes sont tondues pour collaboration horizontale avec l'occupant, des maisons sont marquées de croix gammées. Ces débordements sont souvent le fait de résistants de la veille, soucieux de faire preuve d'un zèle qu'on ne leurs connaissait pas face à l'occupant quelques jours auparavant.

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Nous pouvons comprendre, bien sûr, la mécanique selon laquelle la tondue est élue dans le rôle du bouc émissaire: elle est, le plus souvent, une femme sans pouvoir ni prestige (une boniche, pas une Arletty), désocialisée (une réfugiée, fréquemment), une humble, une sans voix, n'entendant rien à ces histoires-là (la politique) et ayant, comme la plupart, tâché de survivre durant les quatre années de privations.

L'inépuisable diversité des tontes

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La tonte de cette femme en 1944

Les tontes se caractérisent à la fois par leur inépuisable diversité et par une homogénéité fondamentale. On tond en effet des femmes de différentes conditions (des hommes, parfois, plus rarement) pour les raisons les plus disparates et dans les circonstances les plus diverses. Ici, une jeune fille est simplement accusée d'avoir entretenu une peu patriotique liaison avec un militaire allemand, et là une femme mûre d'être une indicatrice de la Gestapo.   Ailleurs, on reproche à telle de s'être exhibée avec des notables de la collaboration ou des profiteurs du marché noir; en d'autres lieux, tout simplement, d'être épouse ou fille de milicien notoire, tenancière d'un café où l'on servait les occupants. De même, si la tonte est bien parfois, telle qu'on la décrit habituellement (et un peu facilement) le fait de la foule en délire, des résistants de la vingt-cinquième heure, voire l'heure des cons,  il arrive aussi, plus troublant, qu'elle ne soit pas tout entière spontanéité et débordement.

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La tonte de cette deux femmes en 1944

Les tontes se caractérisent à la fois par leur inépuisable diversité et par une homogénéité fondamentale. On tond en effet des femmes de différentes conditions (des hommes, parfois, plus rarement) pour les raisons les plus disparates et dans les circonstances les plus diverses. Ici, une jeune fille est simplement accusée d'avoir entretenu une peu patriotique liaison avec un militaire allemand, et là une femme mûre d'être une indicatrice de la Gestapo.   Ailleurs, on reproche à telle de s'être exhibée avec des notables de la collaboration ou des profiteurs du marché noir; en d'autres lieux, tout simplement, d'être épouse ou fille de milicien notoire, tenancière d'un café où l'on servait les occupants. De même, si la tonte est bien parfois, telle qu'on la décrit habituellement (et un peu facilement) le fait de la foule en délire, des résistants de la vingt-cinquième heure, voire l'heure des cons,  il arrive aussi, plus troublant, qu'elle ne soit pas tout entière spontanéité et débordement.

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L’interrogatoire de ses deux femmes en 1944

Un certain nombre de femmes sont exécutée sommairement dans les heures suivant la Libération, d'autres mettent fin à leurs jours quand on vient les arrêter ou, plus tard, en prison. On leur peint des croix gammées sur le visage, quelques-unes sont marquées au fer rouge. Les interrogatoires sont un cauchemar.  Je ne me rappelle plus rien, dit la mère d'Henriette. Ma tête a volé d'un côté et de l'autre tellement on m'a frappée. On me posait toujours et toujours les mêmes questions. Ils voulaient savoir comment lui, cet Allemand, il se comportait au lit. Je ne répondais pas. Et je recevais une nouvelle une nouvelle gifle. Ma tête volait à gauche. Ils m'ont même demandé combien de centimètres mesurait son sexe. Je ne répondais toujours pas. Alors on continué à me gifler. Et ma tête volait à droite. Je n'arrive même pas à te raconter tout ce qu'ils voulaient ces hommes, mes compatriotes.

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Malheur aux vaincus, tel est le mot d'ordre de l'été 44, dans une France tout juste libérée. Il suffit d'avoir eu des contacts, pas forcément intimes, avec des militaires allemands, d'être victime de la délation qui prolifère, pour aller au pilori. Taxées de collaboration horizontale, des femmes par milliers sont promenées dans les rues, la plupart tondues, quelquefois nues, sous les huées d'une foule haineuse.

La photo de Robert Capa

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La photo d’une femme tondue par Robert Capa

Sur l'une des célèbres photos de Robert Capa, apparaît une proscrite de la Libération pourchassée par la foule pour avoir collaboré avec l'occupant. La femme porte un nourrisson dans ses bras. Le photographe américain a pris, ce 18 août 1944 à Chartres, deux clichés de la malheureuse. On la voit marchant au milieu d'une multitude de femmes, suivie de quelques fillettes et d'hommes goguenards. Le spectacle n'est pas coutumier. Il est de ceux, cocasses et cruels, dont les foules sont friandes. La femme est précédée d'un gendarme. L'uniforme donne à la scène un semblant de légalité. Sans doute l'emmène-t-on en prison. Un homme porte son baluchon, carré de linge blanc noué hâtivement. Témoin de cette chasse aux sorcières à la française, le reporter questionne des badauds. Ils ne savent pas si cette femme est accusée d'avoir eu une liaison avec un Allemand ou d'avoir dénoncé des Français qui écoutaient Radio Londres. Nous penchons pour la première hypothèse, vu l'enfant à son bras.

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On a tondu plusieurs milliers  de femmes, des dizaines de milliers peut-être. Les recherches les plus récentes sur les tontes font apparaître que l’on a tondu dans les grandes villes comme dans les bourgades, dans les régions où le maquis avait durement affronté l’occupant  et ses séides français, comme en Dordogne, et  dans celles où la présence massive de ces derniers empêchait l’action de la Résistance, comme dans le Cotentin, dans les localités où de rudes affrontements avaient eu lieu entre les Alliés et la Wehrmacht comme dans d’autres où les Allemands s’étaient retirés sans combat.

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Dans un petit village breton, un jeune homme des forces Françaises de l’intérieur passe à la tondeuse une fille accusée d’avoir (collaborée) avec l’occupant allemand.  Le tableau de chasse de ce coiffeur improvisé a dû revêtir une certaine importance si l’on en juge par l’amas de chevelure dont le sol est recouvert.

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Une femme a été tondue, Un jeune patriote la tient en joue.

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À Chartres, une suspecte vient d’être arrêtée par une douzaine de jeunes F. F. I armés.

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À Paris, deux femmes sont amenées à la Préfecture de Police le 25 août 1944.

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À Paris, cette femme tondue, accusée d’avoir fait fusilier sont mari, vient d’être arrêtée.

Colère dans le sud

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La colère gronde dans le sud après la libération

Dans le Midi, les manifestations de joies ou de colère sont évidemment plus colorées, mais aussi plus cruelles que dans le Nord.  A Sarlat, note un témoin, une sorte de folie règne partout. La contrepartie du régime d'occupation est terrible. Les femmes qui ont été avec les Allemands souffrent le plus. Nues jusqu'à la ceinture, une croix gammée douloureusement tatouée sur la poitrine, elles sont promenées dans la ville. On leur coupe les cheveux à ras. Le cuir chevelu avec, car le sang coule.

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Le procès de Mme Polge est un épisode culminant des journées nîmoises. Cette jeune femme très belle était devenue l'amie du commandant allemand de la place. Beaucoup de Nîmois eurent recours à elle pour arranger nombre d'affaires. Son procès est attendu par la population avec autant d’impatience qu'une corrida. L'accusée est condamnée à être tondue et promenée dans la ville avant d'être fusillée. La foule s'acharnera plusieurs heures sur son cadavre qui sera transpercé, de la manière qu'on imagine, avec un manche à balai.

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Dans les jours qui suivent la Libération de nombreuses femmes sont tondues. Face à cette expédition expéditive, le 10 septembre, une affiche signée par les responsables de la Résistance d’y mettre un terme.



26/08/2014
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